RÉSUMÉ
Votre nouvelle série érotico-historique en six épisodes à tout petit prix !
Seconde moitié du IXe siècle, quelque part dans le comté de York. Terrifiés, bourgeois et paysans se terrent dans leurs villages : partout dans la campagne, débarqués sur le littoral comme chaque printemps, les Danois rôdent, pillent et violent. Emportée par la tourmente, Nora, jeune saxonne encore vierge, découvre le sexe et ses plaisirs face à l’ennemi juré. Les Vikings sont brutaux, insensibles, sans pitié. Pourtant, ils éveillent en elle des fantasmes dont elle n’avait pas soupçonné l’existence. Jusqu’où une paysanne retournée par le stupre peut-elle aller pour assouvir ses pulsions ? La loyauté, l’honneur, la raison… Ces mots ont-ils encore du sens face à l’appel du sexe ?
Épisode 1. Où Nora rencontre Halfdan, prisonnier danois à la virilité envoûtante…
EXTRAIT
« J’ai fait comme tout le monde, au début, j’ai eu peur. Ça gueulait dehors, le genre guerrier, puis ça hennissait et ça tintait déjà du métal par-dessus. Je ne crois pas avoir crié moi, ou très peu, ou je ne m’en souviens plus. Comme tout le monde. Il vous échappe le sens des détails, dans ces moments-là, quand vous avez ce feu qui vous brûle, qui vous retourne la tête, qui vous dit que c’est bientôt la fin. Une ivresse tout à fait particulière, le goût de la fin. Pas aussi désagréable qu’on croit.
Je n’ai pas cherché à m’enfuir, je n’ai pas cherché d’arme non plus. De toute façon, ça avait été dit, tout bien expliqué par l’Ancien au printemps. « Le jour qu’ils viendront, ça fera pas un pli », qu’il avait craché par sa barbe, « on mourra tous, ça sera du propre ! ». Mon père disait pareil. Ma mère ne disait rien elle, comme toujours, mais c’était clair qu’elle était d’accord. Tout le monde l’était d’accord, de toute façon, pour nous enterrer proprement par avance, pour un peu on aurait même creusé les trous pour s’y mettre tout vivants, tiens. Ça aurait simplifié mon affaire.
Sauf que pour le moment j’étais vivante, bien vivante, seule dans la maison avec probablement des fous dehors, et des furieux, alors oui j’avais peur, je tremblais jusqu’à l’os. À un moment, comme les bruits se rapprochaient – c’étaient des bruits parfaitement terrifiants, du genre que font les gens qui meurent –, je me suis roulée en boule. Littéralement j’entends, entre le lit et le petit foyer aux marmites. C’était évidemment ridicule puisque nulle part dans notre bicoque de bois je n’avais d’endroit où me cacher vraiment, même moi et mes cinquante kilos. Le premier con venu m’aurait vu. C’était plutôt symbolique, à vrai dire, comme dans ces cauchemars terribles et ces trolls qui venaient me chercher, je me roulais en boule, par terre, et puis ça allait mieux. Ils n’aiment pas ça les trolls, quand on se défend à coup de symboles. En tout cas c’était comme ça dans mes cauchemars.
Mais j’étais là, recroquevillée, mon souffle saccadé contre mes genoux, dénudés eux parce que ma robe avait remonté quand je m’étais accroupie, à me dire que peut-être ces gens qui nous attaquaient n’en auraient rien à faire, eux, des symboles. Ça valait quand même le coup d’essayer. Puis je n’avais pas d’autre idée. J’écoutais. Il y avait tout près la chaleur de l’âtre, encore du feu qu’on avait fait à midi. Juste au-dessous de moi, les lattes du plancher grinçaient comme je bougeais, même à peine, et déjà une écharde m’avait égratigné la cuisse. Blessure anodine, une piqûre d’insecte et encore ! quand on s’apprête à mourir.
Il y eut un grand fracas qui me fit oublier même l’écharde, sur le champ. Je couinai cette fois, mais à peine et très furtivement, puis je retins mon souffle. Les murs vibrèrent longtemps, surtout celui qui donnait sur la place, ce qui me fit dire qu’on venait probablement de jeter quelque chose – ou quelqu’un – contre la façade de ma petite maison. Des pas suivirent, lourds et des exclamations viriles encore, dans une langue que je ne connaissais pas. Toujours du métal, derrière, tranchant, cliquetant. Chacun de mes membres se figea, j’étais soudain lourde comme l’air épais et humide des mois de septembre ; peut-être allais-je disparaître au travers du plancher, à force de lourdeur, d’épaisseur ? C’eut été trop beau. Un espoir de fou.
Il s’envola l’espoir, aussi vite qu’il était venu, avec les gonds et tout le bois de la porte. Ce fut si vif et brutal que je n’eus le temps de rien, sauf d’un sursaut. Terrorisée à présent, je me ramassai encore un peu plus sur moi-même et levai le regard, furtivement. Ça volait encore en poussière et en éclats de pin, mais au milieu déjà s’avançait une forme inquiétante, implacable. Trois ou quatre pas jusqu’à moi la forme et elle fut toute proche, son ombre écrasant ma pauvre et minuscule silhouette. Je n’en menais pas large, pour ainsi dire.
C’est ainsi que je le vis, de tout son long, pour la première fois. Moi à genoux entre le lit et la cheminée, je n’avais l’air de rien d’autre que d’une proie facile, dans sa petite robe légère, la vingtaine à peine, et puis des bras maigres comme des lances mais tout le contraire des lances en fin de compte, pas dangereux du tout ces bras-là. Lui qui ne disait rien encore, il faisait peut-être deux fois ma taille, deux fois mon poids c’était certain. De bas en haut qu’il m’apparut, il me fit d’abord l’impression d’un des hommes d’ici, ces gaillards qu’engageait Osberht pour garder ses terres, avec ses bottes sombres, sa toile sombre et son cuir sombre encore par-dessus. J’avais à peine aperçu son grand bouclier rond qu’il l’avait déjà déposé contre un mur, aussitôt entré dans la pièce. Puis il y avait l’épée, la longue lame de fer qui pendait à sa ceinture ; de ce côté-là non plus, rien de bien exotique. Non, à vrai dire tout tenait dans le visage. Les épaules aussi, peut-être, carrées comme des étagères, quoiqu’on en avait aussi des comme ça par chez nous, mais son visage, ça alors, mes amis ! Glaçant ! Terrible ! De l’inédit ! Pas de doute !
Ça commençait avec un cou, l’air de rien, mais large comme celui d’un bœuf, et tout de suite encore le menton, bien carré, et le reste qui suivait en virilités invraisemblables ; le nez fort, les traits burinés et même plus, et cette tignasse blonde qui tombait en bataille jusqu’aux épaules. Encore n’étaient-ce là que les détails, parce qu’il restait ses yeux. Ses yeux ! Du bleu vraiment, pur, dur aussi, du bleu d’acier qui vous passait au-travers, à ne plus savoir comment qu’on s’appelait. Ça me glaça le sang, je vous le dis, ce fut un frisson mémorable qui courut tout du long de mon échine ! C’était bien la première fois que j’en voyais un de Danois, et c’était pourtant pas faute d’avoir entendu parler de raids à n’en plus finir, depuis que j’étais gamine. Mais un pour de vrai, bien en face, non, ça n’était encore jamais arrivé. C’était là.
Ça n’avait duré qu’une poignée de secondes, la porte, son entrée fracassante, son regard gelé, mais déjà je sentais le temps se figer. Il n’avait rien dit encore, comme si me transpercer à distance lui suffisait à finir son carnage. Sauf que je les connaissais, les histoires. Avec les Danois ça ne finissait jamais comme ça, jamais aussi simplement. Vint donc, inévitable, son premier mouvement, sec, soudain, qui m’arracha pour le coup un véritable cri, en fin de compte assez exagéré puisque l’homme ne tira pas son épée comme je l’avais craint. Au lieu de ça, il tendit un bras vers moi et fronça les sourcils. Il dit des choses avec ses gestes, mais je ne compris rien d’autre qu’il avait une voix grave, terrifiante. Je tremblai sans rien faire, alors il répéta. À mes oreilles ça faisait comme du charabia d’animal, hennissement incompréhensible et lointain. Ça l’agaça probablement. Il se pencha franchement et m’agrippa le bras, me forçant à me relever. Ce que je fis.
Sa poigne était forte, incroyablement forte, et moi qui me retrouvai plaquée contre la cheminée, à un mètre de mon futur bourreau, je ne valais pas davantage qu’une brindille, je le sentais bien. Dans la panique je n’avais plus émis un son, je me contentais de le regarder, lui si puissant, à jauger peut-être son âge, ses raisons d’être ici. Je crois qu’il n’avait pas trente ans, mais à côté j’avais l’air d’une enfant, collée dans ma robe humide de transpiration. Mes longs cheveux plaqués contre mon front, revenus sur mes yeux, cachaient mal ma terreur. Comme il ne disait rien mon guerrier, semblait ne rien ressentir non plus, la tension monta encore d’un cran dans la cabane. On aurait dit que ce Danois m’examinait, curieux des détails, hésitant peut-être à m’arracher enfin ma robe. À me mettre nue. Parce que c’était ça la fin avec les Danois, l’Ancien nous en avait souvent parlé. Des choses pas réjouissantes pour les jeunes filles comme moi, des choses qui faisaient mal. Des choses à très vite oublier, si par miracle on en réchappait. C’était ça que j’attendais, fébrile, depuis le début. […] »